Homo economicus farniente – Antonin Demé

HOMO ECONOMICUS FARNIENTE
16 . 01 . 2015 – 07 . 02 . 2015
ANTONIN SIMON

VERNISSAGE JEUDI 15 janvier dès 18h
OUVERTURE SPECIALE le 29 janvier dès 18h

L’exposition bénéficie du soutien du FMAC

Des Prix Nobel d’économie et des hamacs de cravates

Il y a 45 ans était décerné le premier prix Nobel d’économie. Contrairement aux autres prix, il ne figure pas sur le testament du richissime inventeur de la dynamite Alfred Nobel qui voulait récompenser des personnes «ayant apporté le plus grand bénéfice à l’humanité». Son histoire est tout autre: ce prix a été imaginé en 1968 pour célebrer le tricentenaire de la banque centrale de Suède. Sa dénomination exacte est «prix de la Banque de Suède en sciences e?conomiques en me?moire d’Alfred Nobel». Le prix distingue chaque année une ou plusieurs personnes pour leur contribution exceptionnelle aux sciences éco- nomiques. A l’époque, ce fut un véritable tour de force que de faire accepter à l’Acade?mie royale des sciences de décerner un Nobel en économie comme elle le faisait déjà pour la physique et la chimie. Un lobbying intense réussit à lever les réticences de certains membres de l’Académie qui se posaient des questions quant au caractère suffisamment scientifique de l’économie. La question est toujours d’actualité tant l’économie semble être inextricablement sujette à une forte composante idéologique, notamment celle de la «foi dans le marché». Toujours est-il qu’avec ce prix, l’économie se trouvait couronnée d’une aura de scientificité tout en profitant de l’énorme capital symbolique accumulé par le Nobel depuis 1901. Les re?cipiendaires du prix sont au nombre de 75 aujourd’hui. Leurs positions vont de l’ultralibéralisme à un interventionnisme «social démocrate» marqué. Néanmoins, l’attribution fréquente du prix de la Banque de Suède à des économistes issus de l’école de Chicago, activement engagés dans une croisade contre l’Etat-providence – Milton Friedman en tête – ou à des contributions visant à perfectionner des instruments financiers utilisés pour la spéculation pose la question de l’idéologie politique des récipiendaires du prix. D’où la question que se pose les plus critique d’entre nous: le «prix Nobel d’économie» serait-il le cheval de Troie idéologique du néolibéralisme?

Ce qui est reproché à certains économistes, c’est d’essayer de soumettre l’économie à des pseudo-lois naturelles ou immanentes développées par des modèles mathématiques compliqués pour éviter les questions clés. Si l’économie est l’étude du partage de la richesse et que cette richesse est un gros gâteau alors de quoi est fait ce gâteau? Comment est-il partage? Qui tient le couteau? L’Homo economicus tel que le décrivent les manuels d’économie, c’est quelqu’un qui cherche à maximiser la sensation de plaisir associée à la consommation d’un bien. Fruit du calcul rigoureux des plaisirs et des peines, l’Homo economicus a longtemps été pensé comme un synonyme du bonheur. L’Homo economicus farniente, lui il préfère maximiser son temps libre. On sacralise le travail et la productivité, lui, cultive la paresse et pratique «l’art presque disparu de ne rien faire». Il a cousu ses cravates pour en faire des hamacs.